AGRICULTURE

TRACÉE / RAISONNÉE

ET

SÉCURITÉ ALIMENTAIRE

Par Henri PETIT Courtier Assermenté

Les productions végétales de masse ont été rattrapées par les concepts de traçabilité, d'agriculture raisonnée, de sécurité alimentaire et de principe de précaution, termes que l'on croyait, en un temps, réservés aux productions animales. Ces nouveaux concepts se mettent avec plus ou moins de rapidité en place dans nos filières.

Au regard de ce qui s'est passé dans le Nord Loire cette année, pour cause de conditions climatiques défavorables à la récolte, il y a lieu de s'interroger sur les répercussions économiques d'abord, puis contractuelles ensuite, des nouveaux principes évoqués ci-dessus.

Première constatation : on avait oublié que ces nouveaux concepts ne pouvaient s'appliquer que sur le produit final, donc récolté, s'il est .....récolté.

Deuxième constatation : le fait de prendre toutes les précautions nécessaires de traçabilité, de mettre en œuvre les meilleurs itinéraires culturaux validés par nos meilleurs chercheurs, ne peuvent rien contre 15 jours ou 3 semaines de mauvais temps, surtout au moment critique de la récolte.

Le climat reste bien l'élément déterminant des productions agricoles.

Notre mémoire avait déjà effacé l'épisode de 1976.

Nous avons donc tracé et raisonné des productions végétales qui malheureusement ont donné des qualités, tant physiques que technologiques, médiocres.

Nous ne nous étendrons pas sur l'aspect sécurité alimentaire des produits récoltés dans de telles conditions, mais d'ici deux ans il faudra être attentif à la qualité sanitaire de ces mêmes produits, qui dépend essentiellement des conditions de récolte et sera en première ligne, en alimentation du bétail, avant même peut-être l'alimentation humaine.

Tout ceci doit nous faire prendre conscience que la biodiversité des végétaux à l'intérieur d'une mme famille a été trop oubliée. Nous avons la chance d'avoir un climat tempéré, des sols fertiles mais nous ne sommes jamais à l'abri d'un dérèglement ponctuel climatologique.

Si nous prenons l'exemple des blés, les périodes de semis et surtout les périodes de maturité ne couvrent que de petits écarts calendaires. Ceci est généralement techniquement gérable, compte tenu des moyens de récolte existant actuellement. Les performances des moissonneuses batteuses sont si extraordinaires que l'on peut constater un étranglement de la filière logistique de rentrée de moisson. Mais lorsque le temps est mauvais durant une longue période, la forte capacité de récolte est réduite à néant.

Il est donc temps que les producteurs et leur filière s'interrogent pour repenser globalement les variétés à mettre en terre, les calendriers de semis à effet d'échelle afin de sécuriser par une amplitude plus importante la période de récolte.

De tous ces nouveaux concepts on avait oublié la sécurité de production.

Ce n'est qu'à partir de celle-ci que l'on peut décliner toutes les autres.

Si l'on en vient maintenant à l'aspect contractuel des choses, on remarquera que le seul principe de traçabilité contractualisé tout au long d'une filière impose au destinataire final l'acceptation du risque climatique aléatoire sur sa parcelle de production.

Il y a bien attribution contractuelle géographique dès le semis.

Un engagement contractuel non tracé avant moisson, oblige le vendeur quelles que soient les conditions de récolte, à honorer son engagement, voire même en payant un dédommagement ou en recouvrant la marchandise contractualisée : le fait de tracer depuis la parcelle du producteur engage un lien imprescriptible sur l'origine et par voie de conséquence sur la marchandise récoltée fut-elle complètement inutilisable ou pire inexistante dans son rendement.

Le producteur comme la filière ne sauraient être tenus pour responsables par l'acheteur industriel final, sous réserve de prouver que l'implantation de la culture, l'itinéraire cultural etc.... répondaient aux prescriptions de l'acheteur ou pour le moins, à une mise en oeuvre technique classique propre à la production considérée (d'où la nécessité de mettre au point rapidement au niveau national "les bonnes méthodes de pratiques culturales").

L'acheteur industriel final d'un produit tracé prend donc le risque, qu'il le veuille ou non, de la pérennité de la production.

Tout contrat portant sur l'agriculture tracée/raisonnée se doit donc de dissocier une prime de traçabilité indépendante du prix du produit. Cette prime de traçabilité doit rémunérer l'aspect technique de tenue de la preuve, afin de justifier la trace et les techniques mises en oeuvre pour garantir le cheminement de la production et du stockage.

La garantie de production tracée /raisonnée n'est pas et ne peut pas être une garantie qualitative et quantitative certaine car elle ne laisse au producteur aucune possibilité d'arbitrage ou de recouverture.

Il peut donc arriver que la qualité produite ne puisse être utilisée pour la destination initialement prévue. Il ne saurait être question d'obliger l'acheteur à prendre au prix convenu une marchandise inutilisable pour lui. Ce serait l'obliger à la revendre à perte et à supporter entièrement le risque.

Par contre, la prime prévue au contrat pour la trace et la mise en oeuvre technique devra être payée au vendeur en filière, quel que soit le sort de la marchandise récoltée car elle rémunère un travail réellement effectué et un risque réellement supporté.

L'obligation de moyens prime sur l'obligation de résultats.

Nous voyons donc, comme en fait obligation le droit commercial, qu'un contrat de production sous agriculture tracée/raisonnée s'équilibre dans ses clauses d'exécution et ses clauses financières.

Il laisse au producteur et au stockeur l'aléa de production et de qualité, il laisse seulement en cas de problème qualitatif ou quantitatif à la charge de l'acheteur industriel la prime répondant au travail effectué, nécessaire pour la finalité contractée.

Tours 2/2001

 

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